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Notre Culture en Danger : Où sont passées nos danses, nos chants et nos traditions ?

Inspiré de la thématique de M. Messomba Edouard (Kem Sa’adio) de Talli – Echo de la Montagne.

Notre patrimoine culturel est riche et diversifié, mais il est confronté à de nombreux défis. Le patrimoine culturel des Bafou, comme celui de nombreuses autres communautés, est aujourd’hui gravement menacé. Jadis vibrant, enseigné aux plus jeunes, transmis par les anciens, il se meurt aujourd’hui peu à peu. Danses traditionnelles, chants, instruments d’orchestration, rituels et codes vestimentaires sont délaissés, au profit de modernité.

Parmi les nombreuses pratiques culturelles en déclin, citons les danses Gwèh et Ko’ho Nzang, jadis enseignées à chaque enfant du quartier. Aujourd’hui, les organisateurs d’événements peinent à trouver instrumentistes et vocalistes qualifiés, souvent contraints de faire appel à des experts extérieurs.

Le métier de transmetteur culturel, auparavant pris en charge naturellement par la communauté, devient rare. La fête traditionnelle n’atteint sa plénitude – le célèbre « Bal à fond » – que lorsque les quatre piliers culturels (instrumentistes, chanteurs, danseurs, spectateurs) sont en harmonie.

Le Lefem : entre secret, sacralité et profanation moderne Le Lefem est au coeur de la structure traditionnelle :

  • Forêt sacrée,
  • Lieu de repos des défunts monarques,
  • Centre d’initiation et de concertation des notables,
  • Tribunal coutumier,
  • Et également sanctuaire pour la préparation des futurs chefs.

Mais cet espace sacralisé subit aujourd’hui les outrages du modernisme. Des danses jadis secrètes, comme Feuka, Nkougang ou Aka’ah Mbouowah, sont filmées sans permission et exposées sur les réseaux sociaux. Le Ntsu Fô, matériel traditionnel du chef, est acheté à des fins individuelles sans autorisation communautaire.

En termes d’importante remarque, il faut relever que le Lefem est ainsi secret de par sa composante Guiala’ah et ne doit de ce fait faire l’objet d’une quelconque investigation. Une fois que le Lefem est sollicité lors des funérailles par exemple, on parle de Ntsu Fô. Dans ces conditions, un cadre clos leur est réservé pour la circonstance, loin du regard de n’importe quel curieux et des captures d’images consécutives à une sorte de modernisme aveuglant. Étant entendu que tout se passe nuitamment, les concernés utilisent le Ndzemè Zo pour annoncer leur passage, question d’inviter les femmes et ceux qui n’ont pas le sang royal à prendre le large. Bien plus, les femmes n’ont pas accès à ce milieu où elles se servent des intermédiaires pour acheminer les mets qu’elles ont concoctés pour les membres du Lefem (Ntsu Fô).

Au sujet de ce modernisme qui nous égare, aucune capture d’image sans autorisation préalable n’était possible une fois que, dans la cour des manifestations, paradaient les danses secrètes telles que Feuka, Nkougang et Aka’ah Mbouowah, entre autres. Le Ntsu Fô acheté par une élite est réservé uniquement aux obsèques de ses enfants ; jamais au-delà, car c’est le matériel du Chef du Village ou du quartier qui est prévu pour de telles circonstances.

D’ailleurs, parler d’achat du Lefem semble excessif car selon la volonté du Chef du groupement, il peut se décider d’attribuer à un Chef du Village ou du Quartier certains dispositifs du pouvoir tels que le Lefem, le Kehzak, le Kwang et le Ntsouh.

A travers une démonstration en plein jour du Lefem (particularité de certaines socio-cultures), nous avons pu identifier certains instruments musicaux de notre riche patrimoine culturel tels que le Mèket, Atôh, La’a Mevfouh, Ndzemè Zo et le Meg’hang Tseing Fô, instrument qui nécessite beaucoup de vigueur au niveau des bras, pour ne citer que ceux-là. Il faut signaler ici que le Ndzemè Zo, tenu à tour de bras, est plus petit que le La’a Mevfouh qui est toujours en contact avec le sol. Nous pouvons profiter de l’occasion pour évoquer le Lambeh, sorte de tambour suspendu à l’épaule par une ficelle et que les femmes utilisent dans leurs danses.

Le Kehzak et le Ngouh Fô sont deux danses populaires très prisées par les populations lors des funérailles. Le Kehzak est la danse de la victoire, allusion faite aux territoires conquis de hautes luttes. Seuls les villages qui ont agrandi leurs territoires par les conquêtes territoriales ont dans leurs répertoires de danses le Kehzak.

Nos funérailles semblent perdre aussi leur essence. Le Ngouh Fô et le Kehzak, danses de glorification du chef ou de célébration de victoires, sont parfois réduites à des spectacles folkloriques. La dépense excessive, l’exhibitionnisme, et l’envie de contenter un public de plus en plus exigeant dénaturent des moments censés être de recueillement, d’hommage et de solidarité.

🚨 Il est encore temps…

Nous devons agir. Restaurer nos danses, nos rites, nos musiques. Initier nos enfants à nos traditions dès le bas âge pour qu’elles ne deviennent pas de simples histoires à lire. Les notables et les chefs traditionnels à sensibiliser leurs populations sur les pratiques qui dénaturent les obsèques. Il est souhaité que le Roi des Bafou et les autres chefs des Grass Fields prennent des mesures pour rétablir une certaine orthodoxie dans la pratique de la culture millénaire. Nos cultures ne doivent pas mourir sur nos écrans, elles doivent revivre sur nos places, dans nos cœurs et nos corps.

L’appel à l’action communautaire – Face à cette perte identitaire, Echo de la Montagne appelle les Chefs, notables et responsables communautaires à :

  • Organiser des séminaires de transmission culturelle,
  • Encadrer les manifestations pour en restaurer la solennité,
  • Sensibiliser contre les dérives dûes au modernisme.

Pour que nos enfants ne soient pas étrangers à eux-mêmes. La disparition de nos rites, chants et danses est plus qu’un oubli : c’est une perte de nous-mêmes. Il est donc essentiel d’initier dès le bas âge nos enfants à leur héritage culturel, afin que ces trésors ne soient ni étrangers à leurs yeux, ni perdus pour toujours.

Le patrimoine culturel n’est pas un luxe. Il est une racine. Et une racine, quand elle meurt, fait tomber tout l’arbre.

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